Tu as débuté ta carrière musicale comme chanteur dans un groupe des années 90, les Charts. Comment se sont déroulés tes premiers pas dans le monde de la musique ?
À l'époque, j'avais quinze ans, je me cherchais et je ne bossais plus en cours. Je me mettais dans la peau du chanteur de Depeche Mode, j'étais un peu lui dans ma tête. Et puis, tout cela a fait qu'à un moment donné, monter un groupe est devenu pour moi une évidence. J'ai monté un groupe à la manière de Depeche Mode avec trois claviers et moi en chanteur. C'était déjà, les Charts et un an après, on a été signé ! En cours de route, il y en a un qui est parti, on s'est donc retrouvé à trois. On est monté à Paris, on avait acheté le guide du show business, on a fait toutes les maisons de disques ! On a signé avec un label indépendant puis fait quatre albums et un live. Les Charts n'ont jamais vraiment explosés. Il y a eu un album qui s'est vendu à 200 000 exemplaires, c'était le deuxième. Les autres albums n'ont pas trop marché. Finalement, ça m'a laissé le chemin libre et vierge pour entamer une carrière solo.

En 98, le groupe se sépare et tu décides de voler de tes propres ailes. Est-ce que cela a été un moment difficile pour toi ?
La décision n'a pas été trop difficile à prendre. Ça faisait dix ans de groupe, on avait fait beaucoup de concerts et c'était suffisant. Et puis, même s'il y avait une authenticité dans la mélodie, il y avait un univers qui ne me ressemblait pas complètement. Je ne me sentais pas totalement en phase avec le répertoire des Charts. J'étais jeune, je ne maîtrisais pas tout, je ne réalisais pas les chansons. Il y avait un producteur qui s'occupait de ça et qui n'avait pas forcément les mêmes idées que moi. On était produit par Philippe Gaillard. C'était un mec super, très cultivé et que j'aime beaucoup. Il faisait tout, il écrivait des textes, il produisait, il réalisait... Il avait beaucoup écouté de groupes comme America, les Carpenters, les Beach Boys. En tant que musicien, j'adore ça, mais ce n'est pas ma culture. Il y avait un décalage, ce groupe n'était pas complètement nous. Quand on a arrêté les Charts, le plus difficile a été de me retrouver seul sans les autres membres du groupe, sans Jacky et Francis parce que j'étais attaché à eux. En fait, pour moi, les Charts ont été une super première étape et ça a toujours été de qualité. Je n'ai pas de regret, ça nous a appris plein de trucs.

Tu vas ensuite rencontrer une personne très importante pour le démarrage de ta carrière solo : Pascal Obispo. Que t'a-t-il apporté ?
Pascal est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. À la fin des Charts, j'étais assez déprimé c'était en 1998, un ami commun nous a organisé un déjeuner. Il a vu dans l'état où j'étais. Il a toujours eu le côté grand frère. Il m'a dit : " je ne peux pas supporter qu'un compositeur comme toi reste dans l'oubli, je vais te relancer ".

"Je ne peux pas supporter qu'un compositeur comme toi reste dans l'oubli, je vais te relancer".

Tout ce qu'il a dit à ce déjeuner, il l'a fait en double. Il y a très peu de chanteurs comme ça. A l'époque de mon premier album, c'est le seul chanteur qui a parlé de moi en tant que compositeur et ça a tout relancé. Pendant les six premiers mois de mon premier album, ça m'a donné un élan formidable dans le métier pour que l'on s'intéresse à moi et que l'on me prenne au sérieux. C'est à partir de là que j'ai composé pour pas mal de gens. J'ai commencé par Patrick Fiori avec une chanson qui s'appelle "Que Tu Reviennes". Après, ça a suivi avec Hélène Segara "Au non d'une femme", puis "Châtelet Les Halles" avec Florent Pagny. Tout cela m'a permis de me faire connaître assez vite, on a vu mon nom un peu partout. J'ai essayé d'être digne de ce que Pascal disait de moi. Je voulais à la fois y arriver et ne pas le décevoir.

Tu sors ton premier album " Au Milieu Des Autres " en février 2000 et tu travailles également avec Pascal Obispo...
Le premier album, il l'a réalisé, il a fait ce que Pierre Jaconelli a fait pour mon deuxième. C'était la première fois qu'il acceptait de réaliser un premier album dont il n'avait pas composé les musiques.

Enfin, début 2002, tu reviens avec un nouvel album, un album éponyme. Que représente pour toi ce deuxième album par rapport au premier ?
Le premier album m'a remis dans mes influences pop et le deuxième va encore plus loin que ça. C'est encore plus que pop, c'est pop rock. Ça confirme mon style, mes deux influences : le côté très anglo-saxon dans les arrangements et le côté assez chanson française. J'aime aussi Barbara, William Sheller, Michel Berger et ça, ça se ressent dans ma musique. Ce deuxième album, je le trouve plus abouti. Les textes sont plus précis, plus compréhensifs plus simples.

Pierre Jaconelli est à la réalisation. Comment avez-vous travaillé ?
Ça s'est hyper bien passé parce que j'ai confiance en lui. On a beaucoup parlé avant. Moi, je fais des maquettes toujours assez fournies, j'aime bien maquetter, j'aime bien y passer du temps. Comme j'ai déjà réalisé des chansons, je ne fournis pas que des pianos voix. Je produis déjà pas mal d'arrangements. Donc, ensuite, pour mes albums, j'ai besoin d'être avec quelqu'un de confiance comme Pierre pour les mettre en forme. On avait la même vision, on n'avait pas envie de mettre des violons partout et d'ailleurs, on ne l'a pas fait. On a mis des violons que dans quatre morceaux, seulement là où c'était nécessaire. On avait envie que ça soit simple et à base de guitares, des guitares assez aériennes. On avait envie de faire ça beaucoup autour de la voix.

De quels musiciens t'es-tu entouré pour concevoir cet album ?
J'ai mes musiciens de scène avec lesquels je travaille depuis le début, depuis le premier album. Ce sont des musiciens supers, ils me suivent, ils ne m'ont jamais lâché. Il y a Olivier Marly à la guitare. C'est un peu comme Pascal, il a son Pierre Jaconelli, moi j'ai mon Olivier Marly. Je pense que chaque chanteur dans ce style de musique là, pop rock, doit avoir son propre guitariste. C'est une grande richesse de l'avoir avec moi. Après, il y a le batteur Christophe Dubois avec qui je travaille depuis très longtemps. Il y a aussi Michel Aymé pour la scène et Mehdi Manani qui est clavier. Pour les albums, je différencie. Je ne fais plus parti d'un groupe, je me sens libre de prendre des musiciens différents. À la batterie, j'ai pris le batteur d'Eagle Eye Cherry : Magnus Perrson. Pour les guitares, ça a été Pierre et Olivier, les claviers, c'est Jean-Pierre Pilot et moi j'ai joué les basses.

Parmi les personnes qui ont participé à l'album, il y a aussi une multitude d'auteurs pour les textes des morceaux...
Il y a Patrick Guirao et Lionel Florence. Avec Lionel Florence, j'avais fait "L'Air Du Temps" et "Châtelet Les Halles". Patrick Guirao a travaillé sur "A La Gueule Des Noyés" et "Prendre Racine" qui sont deux chansons importantes. Il y a Alana Filipi avec qui j'ai une histoire. En dehors de Daran avec qui elle a beaucoup collaboré, j'ai beaucoup travaillé avec elle sur le premier album. Ce n'est pas un hasard si mon premier gros tube est "En Apesanteur" et si c'est avec elle.

Françoise Hardy a écrit le texte du morceau " Une Dernière Chance ". Comment cette collaboration s'est-elle réalisée ?
Françoise Hardy, c'était un rêve depuis longtemps. J'avais très envie de travailler avec elle. J'avais une mélodie très anglo-saxonne, très fifties qui me trottait dans la tête. Je me suis dit : "Tiens, je vais essayer de la présenter à Françoise Hardy". Je savais qu'elle était très ouverte et qu'elle était prête à écouter des choses. Je lui ai donc fait écouter le morceau, elle a accepté de travailler dessus. J'étais aux anges, elle m'a demandé de lui laisser un mois. En fait, en deux semaines j'avais le texte, un texte superbe, je n'ai rien changé. C'était une très belle expérience et j'espère retravailler un jour avec elle.

Il y a beaucoup de chansons qui racontent des histoires d'amour avec un contenu un peu romantique. Est-ce que cela correspond à ta personnalité ?
L'amour en chanson est un thème vachement agréable à traiter et il est inépuisable. Mais, il y a aussi des titres qui ne parlent pas de ça comme "Prendre Racine", "A la Gueule Des Noyés", "Juste Un Peu De Silence". J'aime bien chanter des chansons d'amour, quand c'est écrit avec élégance, c'est beau.

J'aime bien chanter des chansons d'amour, quand c'est écrit avec élégance, c'est beau.

Plus exactement, j'aime bien les chansons sexy, les textes assez sexy, plus que les chansons romantiques. En fait, je n'aime pas trop ce mot. Ce n'est pas du tout que je n'assume pas. Je pense qu'il doit y avoir une certaine douceur qui doit se dégager qui est sincère, naturelle et qui doit donc peut-être faire penser un peu à du romantisme. Je ne suis pas quelqu'un d'agressif, sur scène j'ai la patate, mais je suis plutôt quelqu'un d'assez doux, ça doit se ressentir. Je ne sais pas pourquoi, mais avec le côté romantique, il y a un truc qui me gêne. Romantique, c'est tout de suite fleur bleue et je ne suis pas comme ça...

Jusqu'à présent, tu t'es essentiellement consacré à la composition musicale de tes albums. Pour l'avenir, as-tu envie de te lancer dans l'écriture des textes ?
Plus tard, peut-être, mais, à priori, ce n'est pas mon truc. Moi, je compose tout le temps, mais je n'ai pas le talent d'auteur. Peut-être faudrait-il que je m'y penche un peu plus. C'est vrai que je ne m'y penche pas. Une chanson, c'est vraiment parole et musique, les deux sont importants. Ce qui fait bien vieillir une chanson sur le long terme, ce sont les paroles. Si le texte est vraiment bien écrit, ça fait une très bonne chanson. Mais, ce que les gens retiennent le plus souvent, c'est la mélodie. Je rencontre des auteurs qui pensent que ce qui est important ce n'est que le texte. Je crois que c'est une erreur, la musique est très importante aussi. Je suis allé voir la comédie musicale "Le Petit Prince". J'ai trouvé ça vachement bien. Les textes sont bien écrits, mais les musiques de Cocciante sont magnifiques. Dès la première chanson, je me suis dit, c'est un vrai compositeur, les gens reçoivent tout de suite la mélodie. Après, si les paroles sont nases, ça peut tout gâcher, mais je crois que ce qui prime c'est la mélodie.

Tu as composé pour plein de gens : Florent Pagny, Hélène Segara, Patrick Fiori ... Quels ont été tes préférés ? Y-a-t-il des gens pour lesquels tu souhaiterais travailler plus particulièrement ?
Il y en a deux. Le premier, c'est Florent Pagny. Je vais retravailler avec lui sur son prochain album, j'ai une chanson, c'est sûr. Avec Florent Pagny, ça a été hyper cool, c'est un mec tranquille, adorable. "Châtelet les Halles" est la chanson dont je suis le plus fier. Le deuxième c'est Ismaël Lo. C'est un artiste que j'aime beaucoup. J'espère retravailler sur son prochain album. C'est le seul chanteur qui m'a fait pleurer en studio, tellement c'était beau quand il a chanté "L'Amour a Tous Les Droits . Pour moi, c'est une chanson qui aurait pu aller beaucoup plus loin, mais c'est un artiste africain, world music. Il y a certains médias qui ont préféré ne pas jouer le titre. C'est dommage, on met la musique dans des espèces de casiers alors que le public est plus intelligent que ça, il est capable de recevoir plein de styles. Sinon, j'aimerais beaucoup avoir un texte d'Alain Souchon. Mais, je n'ai pas l'impression que ça soit facile à avoir. Il n'est pas facile à joindre. Je suis sûr que l'on pourrait faire une belle chanson.

Aurais-tu envie de t'essayer sur d'autres choses comme, par exemple, la réalisation d'une musique de film ?
Oui ! Pourquoi pas ! Moi, je suis un grand fan de Morricone, il m'inspire beaucoup. Après, il faudrait que ça soit un film qui me branche, mais ce n'est pas une priorité pour le moment. Actuellement, j'ai très envie de me concentrer sur ma carrière et sur mes chansons.

Ma priorité, c'est surtout de me concentrer sur mon troisième album.

Mine de rien c'est quand même un exploit d'être sorti d'un groupe des années 90 et d'avoir réussi à reconquérir un public, de faire trois Olympia et d'être bientôt triple disque d'or. C'est quand même un truc qu'il ne faut pas lâcher ! J'ai mis tellement de temps à obtenir ça ! Je suis tellement fier et tellement content qu'en ce moment, ma priorité, c'est surtout de me concentrer sur mon troisième album. En fait, d'ailleurs, en ce moment, si on me présentait un grand film, je ne sais même pas si je le ferais car c'est très important pour moi de chanter.

Tu viens d'évoquer ton troisième album. Où en es-tu ?
J'ai commencé à travailler sur les musiques. J'en ai fait pas mal et je suis en train de mettre en forme tout ça. Je voudrais vraiment enchaîner le troisième sur le deuxième. Mais, pour l'instant, il faut laisser vivre le deuxième. Il n'est pas encore fini, "En Apesanteur" n'est que le deuxième single. Il y a encore au moins deux singles à sortir, "Tien An Men" et une autre. On va laisser vivre cet album et en fonction de la vie qu'il aura, on enchaînera juste derrière avec le troisième. Je n'ai pas envie d'attendre.

Tu es actuellement en tournée dans toute la France. Qu'est-ce que représente la scène pour toi ?
La scène c'est un truc que j'adore, je suis vraiment très à l'aise, j'aime le contact avec le public, c'est ma relation très privilégiée et particulière avec lui. C'est là où je me sens le plus à l'aise pour communiquer ma joie de faire de la musique. Je considère avoir de la chance de faire ce métier. Quand je suis sur scène, je veux donner tout ce que j'ai dans les tripes. Il y a une espèce de rage. Ce n'est pas de l'ambition. Le fait d'être fils d'immigré et le fait que mes parents se sont installés en France avec leur fils qui réussit dans la musique dans un autre pays : ce sont des choses qui sont inconscientes mais qui, je pense, se voient sur scène.

Tes premiers concerts en solo se sont déroulés à Paris, à l'Européen. Quels souvenirs gardes-tu de ces moments ?
Ces trois concerts à l'Européen ont été magiques pour moi. Ça a été le début de tout. Avant ça, j'ai eu la première partie de Zazie à Lille où, là, je me suis dit : " il y a peut-être un redémarrage qui va se passer ". L'accueil du public avait été vraiment génial. Lorsque l'on a fait les trois concerts à l'Européen, on s'est aperçu qu'il y a avait des locations, que les gens venaient alors que je n'étais pas encore hyper connu. Calogero, premier album, même s'il y avait eu les Charts, personne ne me connaissait. J'avais coupé mes cheveux, le nom était différent, c'était vraiment un redémarrage total. Il y en a qui disent : "c'est cool, il a presque 200 000 albums, il a tous ses fans derrière". En fait, ça n'a rien à voir, les Charts, ça ne passait plus à la radio, ça ne vendait plus un disque, on avait plus de public, c'était le redémarrage à zéro. Là, à l'Européen, d'un seul coup, il y avait du monde ! Ça m'a fait bizarre, j'étais ravi. Quand je suis monté sur scène, au premier concert, j'étais très ému. Je me suis dit : "Putain, ce métier, il ne faut pas lâcher, il faut tenir !".

Sur ton deuxième album, il y a un morceau qui s'intitule l'Européen. Pourquoi figure-t-il sur l'album ?
En fait, j'ai commencé mes concerts à l'Européen par cette chanson. C'était une petite chanson inédite. J'ai décidé de la mettre sur l'album, en souvenir de mon passage dans cette salle. J'avais envie de marquer le coup sur ces trois dates.

À part l'Européen quel est ton plus beau souvenir de scène ?
Il n'y a pas très longtemps, il y a une autre scène qui m'a marqué, c'est la Cigale. J'ai vu la Cigale bourrée à craquer pour moi, comme je la voyais de temps en temps pour des groupes que j'allais voir là-bas.

Je préfère faire des salles plus petites mais bondées.

Et, c'est ça que je veux : je préfère faire des salles plus petites mais bondées avec une ambiance de dingue. Quand je suis rentré à la Cigale, je crois que c'est le plus grand concert que j'ai fait de ma vie. Ça a été énorme, je suis rentré sur scène, le public m'a réservé un accueil, je n'ai rien compris à ce qui m'arrivait.

Tu vas investir l'Olympia pour trois dates. Est-ce que tu as la pression ?
Je languis et j'ai aussi assez peur. D'un autre côté, j'aime la scène donc je vais me démerder, mais l'Olympia, ça me fout la pétoche. Le fait de savoir qu'il est complet sans les sièges, que ça va être bondé, ça, ça m'excite assez. A priori il y a trois Olympia. Il y en a un complet le 8 décembre, la deuxième date, le 28 est presque complet. Il reste des places pour le 27.

Que serait ton plus beau rêve musical ?
Maintenant que j'ai l'Olympia, le rêve auquel je pense souvent serait de faire le Zénith. J'aimerai bien aussi travailler avec Morricone. Enfin, j'aimerai bien un jour faire un opéra rock, mais pas maintenant. Il faut laisser passer la tempête des comédies musicales, il y en a partout. Je voudrais faire un vrai opéra rock comme "Tommy", comme "Quadrophenia" des Who. Je prendrais le temps qu'il faudra, mais je le ferais un jour.


© MédiasActu SA - 2002 -

Par Olivier Delay